Comment faire votre arbre généalogique ?Istock
INTERVIEW. Vous souhaitez chercher et retrouver vos ascendants et ne savez pas comment vous y prendre ? Pour partir sur les traces de vos origines et de vos ancêtres, il vous faudra être curieux et méthodique. Laurence Dufresne, passionnée de généalogie familiale, nous donne les clés pour se lancer dans cette enquête infinie.
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Que ce soit pour découvrir des origines sociales, des ancêtres étrangers ou mettre fin à des secrets de famille, la généalogie familiale compte de nombreux adeptes. Vous envisagez vous aussi de créer votre arbre généalogique, mais ne savez pas par où commencer, vers qui vous tourner et où chercher ? Réveillons l’enquêteur qui sommeille en vous grâce aux conseils avisés de Laurence Dufresne, une généalogiste passionnée.

"En généalogie, on distingue lagénéalogie successorale, demandée par des notaires qui permet de chercher/trouver des héritiers dans le cadre d'une succession, de la généalogie familiale qui consiste à chercher ses origines familiales. Cela s’effectue en remontant les origines paternelles et maternelles sur autant de générations que les documents familiaux et les archives le permettent", explique-t-elle à Planet.

"Il est admis que l'on compte 4 générations par siècle. Ainsi, un jeune adulte né vers 1990 peut, en 8 générations, remonter à ses ancêtres ayant connu la Révolution française !", détaille-t-elle.

Arbre généalogique : comment rechercher sa parentèle ?

En tout bon détective, il va vous falloir en premier lieu éveiller votre curiosité et vous armer de patience afin de pouvoir explorer toutes les pistes possibles : rassemblez toutes les informations et documents dont disposent les contemporains : photos de famille, livrets de famille, note des récits familiaux qui mentionnent des noms de famille de générations éloignées, des noms de villes, des événements précis, etc.

Aucune piste ne doit être négligée pour commencer son arbre généalogique.  

À partir des informations recueillies, comme le conseille Laurence Dufresne, l'enquête va se déployer, car il va falloir faire un immense travail de recherche pour trouver les actes d'état civil (naissance, mariage, décès) de chacun des membres de la famille pour reconstituer l'arbre généalogique.

Pour retrouver l'état civil d'une personne, il faut aussi savoir aller explorer d'autres sources d'informations nombreuses et variées : 

  • les recensements de population (mis en place par Napoléon en 1801) et effectués tous les 5 ans
  • les registres des matricules militaires ("classes" obligatoires et éventuelle mobilisation pedant les campagnes militaires et conflits 1870, 1914-18, 1939-45, etc.)
  • les listes électorales
  • les actes notariés : ils nous renseignent sur les héritages et les héritiers
  • les associations généalogiques
  • les sites de généalogie en ligne : ils sont intéressants mais attention, il faut toujours aller chercher les actes d'état civil d'origine pour les valider. Il y a en effet de nombreuses erreurs commises par ceux qui ont mis leurs informations en ligne

Ainsi, la majorité de vos recherches devront être concentrées sur les états civils.

Généalogie : les états civils, une précieuse source

"Naissance, mariage, décès, recensement… La France est riche d’archives d’états civils bien conservées. Elles peuvent être municipales, départementales ou nationales, suivant l'ancienneté des archives et le stockage possible", nous indique Laurence Dufresne. Ainsi une petite commune garde ses archives dans ses armoires plus longtemps qu'une grande ville. Les archives, quand elles ne sont plus dans une commune, sont regroupées au niveau départemental ou l'archivage et les référencements sont d'une grande rigueur et précision.

"Les registres d'état civil constituent en effet la source principale des recherches. Ils ont été mis en place en 1792 par la République dans le cadre des réformes issues de la Révolution. Ils comprennent  la compilation des registres d’actes de naissances, mariages et décès tenus dans les mairies, par les officiers de la République. Ces documents nous précisent de nombreuses et très précieuses informations : des dates, des lieux, des métiers, des liens de parentés (noms et prénoms des parents, nom de jeune fille des mères) qui permettent souvent de connaitre les générations précédentes.  Et ce, quelle que soit la religion des citoyens", indique-t-elle.

"Ce détail a toute son importance, car avant la révolution, seuls les chrétiens (les catholiques depuis 1639 et les protestants depuis 1787) étaient ainsi enregistrés à l'échelle du royaume par les hommes d'Église. Les juifs n'étant pas considérés comme des sujets des rois, c'est comme si administrativement, ils n'existaient pas !", nous confie la passionnée de généalogie.

Avant l'état civil, qu'existait-il ?

Elle nous détaille qu'avant la tenue des registres d'état Civil à partir de 1792, la tenue obligatoire des paroissiaux a été mis en place pour la première fois en 1639 par François 1er. Une succession d'édits royaux a suivi et complété cette rigoureuse règlementation au fil des règnes. Les curés, prêtres devaient officiellement y inscrire en français (et non en latin !) les dates des baptêmes, des mariages et des sépultures de leurs paroissiens. Cependant, malgré des consignes précises, leur application fut inégale.

"Toutefois, au fil des édits, ils ont été de plus en plus complets, mais dépendaient des capacités de rédaction et d’écriture des curés. Ainsi, suivant la qualité de la rédaction des actes trouvés, la filiation est plus ou moins difficle à suivre et remonter", confie-t-elle.

Cette obligation a ensuite été imposée, à partir de 1787, aux pasteurs des temples protestants.

Ces registres paroissiaux ont été peu à peu récupérés par l'administration laïque et sont ainsi conservés aux archives départementales.   

Avec la Révolution l'enregistrement des actes de naissance, mariage et décès des citoyens devient systématique pour tous, sans distinction de religion. C'est la naissance de l'état civil au sens citoyen du terme.

"Contrairement aux idées reçues, nos archives ont été très bien conservées. Et ce, même pendant la période révolutionnaire et les conflits mondiaux, car les registres étaient tenus en double. Les lacunes sont anecdotiques par rapport aux archives conservées. L'exemple le plus connu est sans doute celui de l'incendie des Archives de Paris survenu en 1871, qui a vu partir en fumée toutes les archives parisiennes antérieures à 1860", raconte Laurence Dufresne. 

Tout le monde peut-il par ailleurs y accéder ?

Registres paroissiaux, registres d'Etat civil : où les consulter ?

"Très généralement, les archives départementales accessibles en ligne, et donc au public, s'arrêtent à la fin de la Première guerre mondiale, vers le début des années 1920", note la passionnée de généalogie, qui a commencé en 2014 et qui y travaille toujours.

Ainsi, les archives départementales permettent de "tourner les pages" des registres en ligne. Attention toutefois, pour des raisons de confidentialité, elles sont consultables en ligne à partir de 75 ans d'ancienneté. 

Afin de pouvoir obtenir des actes d'état civil des générations plus récentes (postérieurs aux années 1920), il faut en faire la demande en ligne sur www.service-public.fr. Pour cela, il est nécessaire de fournir des réponses à des questions posées en ligne préalablement qui indiquent une connaissance des liens familiaux. Ces mesures sont supposées préserver la confidentialité des données. 

Généalogie familiale : que pouvez-vous découvrir ?

"Suivre dans un arbre généalogique la transmission des prénoms, des métiers de génération en génération, la reconstitution des migrations géographiques, permettent de reconstituer une histoire familiale… Comme en témoigne Laurence Dufresne, qui est parvenue à retrouver et lister plus de 1200 personnes dans son arbre, la grande richesse de la généalogie familiale, au-delà des dates, est de "permettre de superposer les événements de vie (naissance, mariage, décès) dans une famille, aux événements de l'histoire (évolution économique, migrations, guerres, etc)". De par son expérience, elle explique que l'arbre et ses informations sur les lieux de vie, les métiers, permettent d'accéder à l'histoire sociale d'une famille : l'ascension sociale, les migrations de l'étranger, de la campagne vers la ville, au fil des mariages et des contraintes économiques.

"Dans une même famille, une branche peut avoir en effet été sédentaire, enracinée dans une région, une ville, pendant que sur la même période une autre branche peut avoir migré d'une région à l'autre, ou même d'un pays à l'autre", constate-t-elle. Elle prend l’exemple de sa famille.

"Entre 1650 et 1950, la famille maternelle de ma mère, ancrée en Picardie a fait 150 km en 300 ans entre l'Aisne et l'Oise. Des générations d'hommes de la terre puis tailleurs de pierres et de leurs femmes . Sur la même période, les ancêtres paternels de ma mère migraient peu à peu des confins de l'Italie et des Flandres belges vers Paris, pour s'y rencontrer et s'y marier. Quant à la famille paternelle de mon père, elle descend d'auvergnats, ayant migré à Toulouse puis Paris, et de bretons ayant migré vers Paris où ils se sont rencontrés et mariés  à la fin du 19e siècle. Enfin, les ancêtres maternels de mon père étaient belges de Wallonie ayant migré vers Paris à la moitié du 19e siècle. Ils y ont épousé des "Parisiens" en réalité originaires des Ardennes qui avaient migré au début du 19e siècle", raconte-t-elle.

"Née en 1962, je suis fièrement descendante de tous ces hommes et femmes qui ont traversé le temps, les régions (Auvergne, Sud-ouest, Bretagne, Picardie) et parfois les frontières (Belgique, Italie) dont je ne savais quasiment rien ! J'ai dû, pour découvrir tout cela, faire des recherches à l'étranger (Belgique et Italie ) où les archives sont similaires aux nôtres (registres paroissiaux ) et où l'état civil a été imposé au fil des occupations napoléoniennes qui ont envahi ces régions voisines. C’est une enquête passionnante et sans fin".

Êtes-vous prêt à vous lancer à votre tour ?

Arbre généalogique : quels sont les outils technologiques disponibles ? 

Si vous n’avez pas le temps de vous  y consacrer énormément, vous pouvez faire appel à une étude de généalogistes qui regroupe des généalogistes professionnels. Quoi que vous souhaitiez reconstituer (le nombre de générations, les ancêtres paternels ayant transmis votre nom de famille ou l'ensemble des ancêtres paternels et maternels), vous tourner vers un professionnel vous coûtera cher ! Le travail est souvent facturé à l’acte trouvé. Les tarifs sont variables et officieux, mais se situent souvent entre 10 et 15 €  l’acte trouvé. Le coût du travail peut aussi être forfaitaire, confie Laurence Dufresne. À noter que pour un seul couple, il faut compter 5 actes (2 naissances, 1 mariage et 2 décès). S’y ajoutent ensuite le travail de saisie et de présentation, etc. A vos calculatrices !

Vous souhaitez vous y adonner pendant vos heures perdues ? Récupérez alors gratuitement une matrice vide sur Internet. Il existe également des logiciels de généalogie tels que My Heritage, Heredis, ou encore Guide généalogie.com, qui permettent de stocker toutes les données acquises. Ils peuvent vous être très utiles.

Enfin, grâce à cette fabuleuse enquête d’une vie et les sites internet de partage de données, vous aurez peut-être, par recoupement d'arbres, la chance de nouer contact avec des descendants de vos ancêtres que vous n'auriez jamais pu découvrir sans ce travail, comme a pu le faire notre passionnée de généalogie familiale.